Femme voilée

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Point de vue
La Porsche noire, le play-boy et la burqa, par Tahar Ben Jelloun
LE MONDE | 26.09.09 | 13h46 • Mis à jour le 26.09.09 | 13h46
e  Le choc des civilisations se remarque parfois dans des situations ridicules, des comportements stupides provoqués par l'arrogance et l'ignorance. Ainsi, j'étais l'autre jour dans le sud du Maroc et j'ai assisté à cette scène : une voiture décapotable arrive à toute vitesse sur une route étroite, une piste pleine de trous.     
 Une voiture de sport, peut-être une Porsche. Elle est conduite par un jeune,
tête rasée à la mode, lunettes noires, cigarette aux lèvres et téléphone portable dans une main. Une voiture qui coûte cher, le prix d'une prairie, le prix d'une vie de travail à l'étranger ou le salaire d'un prince. La voiture s'arrête à notre niveau. Le jeune homme est fier de son machin. Il montre le pays à une femme assise à ses côtés, mais une femme enveloppée entièrement d'un voile noir, mains gantées de noir, et sur la fente, pour qu'elle puisse voir, elle a posé des lunettes noires. Un fantôme, une chose qui bouge à peine, mais ne parle pas. Cela me rappelle les dernières pages des Voix de Marrakech d'Elias Canetti, où il décrit une chose noire qui se meut à peine, mais dont on ne voit ni le corps ni aucun membre. Peut-être quelqu'un d'humain est là. Le jeune homme sort de la Porsche, allume une
cigarette et dit en français :
"C'est beau mon pays !"
La femme séquestrée dans ce linceul noir hoche la tête.
Elle ne prononce aucun mot. Sans que je lui parle, il me dit : "Je me suis marié, et je repars avec elle, mais problème papiers, ils veulent photo identité visage découvert, ils sont fous, enfin Allah est grand !" Il passe plusieurs fois la main sur l'aile de la voiture comme s'il caressait la jambe d'une jeune fille nue. A son accent, je constate qu'il est du Rif, pays où l'on cultive du kif, avec lequel on fait le haschisch. Argent facile. Il conduit un engin comme s'il était prêt à s'embarquer pour la Lune
et traite sa femme ou celle supposée être sa femme comme une esclave, une chose, un paquet enveloppé dans un service funéraire. Evidemment, il téléphone avec son portable et parle en néerlandais. Il vient de Rotterdam, car la voiture y est immatriculée. La chose le suivra dans son pays d'immigration, ou bien chargera-t-il ses parents de lui livrer le paquet par la poste ?
En repartant, il s'arrange pour que nous recevions un nuage de poussière. La chose noire n'est plus visible. Je n'ai pas eu envie de lui parler. Cela n'aurait servi à rien. Il doit avoir peur des femmes. C'est un problème d'ordre intime et relève de la psychiatrie. Il a peur qu'on lui prenne sa femme, qu'on la viole avec le regard, qu'on la désire en rêve. Alors qu'il la garde en attendant que la pauvre se réveille un jour et prenne sa revanche. C'est déjà arrivé. Cet individu illustre à lui tout seul toutes les contradictions d'une mentalité de l'âge de pierre avec un pied dans le XXIsiècle. Il utilise les moyens techniques les plus sophistiqués et en même temps
traite sa femme comme du bétail.
Le Monde.fr
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30/09/2009 11:56


Mettre les voiles

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